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Média & Information

Qu’est-ce qu’un média ? De quand date-on l’apparition des médias ? A partir de quand et à propos de quoi peut-on parler d’information ? En quoi l’évolution des techniques et les évolutions de l’offre et de la demande de médias sont-elles intrinsèquement liées ? Quels sont les principaux acteurs du ou des marchés des médias et quels sont leurs rôles ? Pourquoi s'informer ? Pourquoi détenir un média ? Avant d’entrer dans la théorie économique et ses applications, avant de décrire les marchés des médias (l’offre, la demande, la concurrence, les produits), le présent chapitre pose des concepts, tente d’en faire percevoir les limites, présente des points de repères et les grandes évolutions du secteur.

a. Les acteurs de l’éco-système médiatique traditionnel

 

Ce schéma formalisé par Nathalie Toussaint Desmoulins dans L’Economie des médias présente la carte des acteurs de l’économie des médias traditionnels. Nous poursuivrons cette présentation des acteurs par le détail des structures de coûts et de recettes, média par média, dans le chapitre sur l’Offre de médias.

Toussaint Desmoulins, Nathalie. L’Economie des médias. Page 9. Adapté par Sophie Sachnine.

 

Du côté de la production (des charges ou des coûts), chaque média, selon sa famille (presse, radio, télévision, site web), au-delà de ses ressources de production propres, a recours à des intrants ou matières premières qui vont être utilisés pour produire et diffuser des contenus. 

 

Les agences, qui sont les seules à disposer d’un réseau de couverture mondial avec des journalistes dans pratiquement tous les pays du monde, fournissent des produits d’information texte, photo, vidéo et infographie à leurs clients sous forme d'abonnement. Les agences jouent donc un rôle essentiel en ce qu’elles participent de la construction de l’agenda des médias, les alertent lorsqu'une « breaking news » tombe, garantissent la véracité d’une information lorsqu’elles la relaient. 

 

Un certain nombre d’agences, d’entreprises, d’associations et d’instituts fournissent des données aux médias soit pour s’informer en interne soit pour créer des produits à destination du grand public. Des agences comme Reuters, Bloomberg ou Dow Jones fournissent des flux de données économiques sur les marchés (cotations par pays, devises…) à des clients comme des salles de marché mais aussi aux médias spécialisés ou aux rubricards économie - finance de médias généralistes. Des agences spécialisées dans la donnée sportive ou les ligues elles-mêmes revendent leurs données aux médias pour qu’ils puissent commenter des matchs en direct ou en dériver des applications pour le web et le mobile. Des instituts publics comme Météo France ou Bison Futé mettent à disposition des médias les informations qu’ils produisent sur le climat ou le réseau routier.

 

Les maisons de production disposent de locaux, du matériel et des équipes pour tourner des programmes (reportages, émissions, films, documentaires) fournis « prêt-à-diffuser » pour les chaînes de télévision. En fonction du potentiel de redistribution de ces contenus, les chaînes s’impliqueront plus ou moins dans le financement et le cahier des charges de ces programmes. Ainsi, en-dehors du service public, les programmes d’information ou info-divertissement sont principalement produits par des maisons de production. 

 

En ce qui concerne le sport, les associations qui produisent les compétitions louent les droits d’exploitation des images des matchs et des marques aux chaînes. Aujourd’hui les montants en jeu pour devenir « ayant-droit » sont colossaux. Les chaînes Bein Sport et RMC Sport (SFR) rachètent les droits de toutes les compétitions au-fur-et-mesure que les prix augmentent et que leurs diffuseurs historiques ne peuvent plus suivre. 

 

Toujours du côté de la production, il faut que ce que l’on écrit ou ce que l’on enregistre soit diffusé. En ce qui concerne la presse, avant d’être diffusée, il faut donc qu’elle soit imprimée. Longtemps les journaux ont internalisé l’activité d’imprimerie. Après la fermeture de l'imprimerie du Parisien et de celle du Monde en 2015 suite à la parte de clients comme Les Echos ou The Guardian et que Le Figaro avait vendu à Riccobono dès 2011, plus aucun titre ne possède son imprimerie. Cette activité, qui représente 12 à 20% de la structure de coûts des quotidiens, a été petit à petit externalisée

 

Du côté de la diffusion, les moyens sont restés inchangés pendant des décennies. On se fait livrer son journal par la Poste ou par portage ou on va le chercher chez son marchand de journaux. Le coût de l’acheminement des journaux, qui représente entre 15 et 30% de la structure de coûts des quotidiens, entre l’imprimerie et le consommateur final est financé par les aides à la presse à hauteur de 260 millions d’euros environ par an. Pour écouter la radio par voie hertzienne diffusée par antennes, il suffit d’être équipé d’un poste de radio. Les télévisions louent des capacités de diffusion satellitaires auprès d’opérateurs comme Eutelsat, Intelsat, Skynet, GE pour transmettre les programmes que les téléviseurs équipés d'un boitier décryptent.  

b. Introduction aux modèles d’affaires des médias

 

Les entreprises de média, le plus souvent, opèrent sur les deux marchés suivants : le marché des médias et le marché de la publicité.

Gabszewicz, Jean Jaskold. Sonnac, Nathalie. L’Industrie des médias à l’ère numérique. Page 77.

 

 

Sur le marché des médias, les entreprises de presse vendent un journal ou un magazine à la pièce ou dans le cadre d’un abonnement. On s’abonne aux chaînes de télévision à péage en direct ou par l’intermédiaire d’un bouquet. L’offre et la demande se jouent autour de la fixation du prix d’un produit médiatique dans le cadre d'une concurrence entre différents acteurs qui proposent des programmes comparables. Quel magazine généraliste choisir d’acheter pour 3,40 euros ? Quel magazine photo ? Quel programme télé pour 2 euros ? Canal +, Eurosport ou Bein Sport ?

 

Sur le marché de la publicité, les entreprises de presse vendent aux annonceurs leur accès à l’audience. Quart de page, pleine page, en Une, dans le cahier spécial, spot en access-prime-time, avant le 20H ? Les annonceurs vont choisir le ou les médias sur lesquels ils souhaitent diffuser leur communication et le format (horaire, espace, contenu) en fonction de l’audience qu’ils ciblent (tranche d’âge, sexe, CSP…).

 

Par ailleurs, les opérateurs publics français sont financés - entre 70% pour France Télévisions et 90% pour Radio France de leur chiffre d’affaires - par la redevance. 

 

Aux deux extrêmes, il existe : 

  • Des médias qui se financent uniquement par les ventes sur le marché des médias et sont donc totalement indépendants du marché publicitaire. C'est le cas du Canard Enchaîné, de Mediapart, d'Arrêt sur Image

  • Des médias offerts au public sans rémunération directe en contrepartie. C'est le cas des programmes de TF1, de France Télévisions mais aussi des journaux gratuits comme 20 Minutes ou Métro

c. Digitalisation et bouleversement de la chaîne de valeur 

 

L’arrivée du web et la massification de son usage engendrent une rénovation profonde des structures de coûts et de recettes des entreprises de média en même temps qu’elle produit de nouvelles entreprises et de nouveaux modèles d’affaires.

 

La digitalisation des contenus et la formalisation d’un espace concurrentiel commun à tous les acteurs de médias commence par générer de nouveaux coûts. Les médias s’équipent de serveurs, de logiciels de création et d’édition de contenus, étoffent et forment leurs équipes d’informaticiens, équipent leurs journalistes avec des portables pouvant diffuser de la vidéo… Aujourd’hui, ils se dotent de Content Management Systems (CMS) pour adapter et diffuser leurs contenus sur tous les supports : du papier, au mobile. Par ailleurs, les journaux ont besoin de vidéo pour alimenter leurs pages. Les radios filment dorénavant leurs émissions, à commencer par les matinales. Au contraire, les télévisions ont besoin de contenus texte. Des rapprochements annonçant certainement des « synergies » apparaissent en France, d’autant que le recours appuyé aux agences n’est pas viable pour se différencier. Enfin, Ils inventent de nouveaux formats pour informer.

Ces investissements, ces coûts fixes nouveaux, représentent une barrière à l’entrée plus ou moins importante mais néanmoins accessible (et nécessaire à franchir) pour jouer sur ce nouveau terrain qu’est le web. S’y trouvent et continuent d’apparaitre des acteurs qui complexifient la manière dont les médias se rémunèrent (soit par l’allocation du traffic, soit par l’allocation des montants de la publicité, soit les deux) ou qui prennent une part du marché publicitaire qui, auparavant, était du seul apanage des médias. 

 

Durant la première moitié des années 2000, les portails, qui sont le plus souvent un service des fournisseurs d’accès Internet (FAI), dominent l’accès à l’information. L’enjeu, dans un monde où le nombre d’acteurs est encore restreint, est d’exister ou non.

 

Durant la seconde moitié des années 2000, le nombre de sites web d’information explose. Tous les médias étendent leurs activités sur Internet. Devant la masse des contenus disponibles, les lecteurs/internautes se tournent vers les moteurs de recherche pour accéder à l’information. Les médias perdent peu à peu le contrôle de leur diffusion, les marques de média deviennent moins différenciantes, elles arrivent en dessous des titres des articles qui sont classés par pertinence voire regroupés par similarités de sujet. L’enjeu est alors d’être (très bien) référencé et de trouver des supports plus adaptés à un nouveau lectorat plus jeune, plus mobile.

 

Depuis 2008, le web est social. Les réseaux sociaux prennent une part de plus en plus importante dans la distribution de l’audience. Les médias se doivent de mettre en place des stratégies pour chacune des plateformes sociales pour diffuser des informations, le plus souvent proposer des liens vers le site principal qui affiche des publicités, y trouver un lien direct avec le lectorat, comprendre ce qui « fonctionne », ce qui « fonctionne » moins et en faire des outils de sourcing comme Twitter. 

 

Ces nouveaux grands acteurs du web, regroupés sous l'acronyme de GAFAM pour Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft, dépositaires des audiences, ont su créé de nouveaux formats publicitaires et attirer massivement les annonceurs. Les GAFAM et leurs petits frères font donc concurrence aux médias à la fois sur la distribution de l'information et de l'audience mais aussi (et surtout) sur le marché publicitaire. Ainsi, Google réalise un chiffre d’affaires publiciaire de 1,4 milliards d’euros en France en 2013, d'après Le Figaro. Cela représente sept fois la taille des recettes publicitaires de la presse quotidienne nationale, près de la moitié des recettes publicitaires de l'ensemble de la presse écrite ou de la télévion. Ces chiffres sont détaillés dans le chapitre sur le marché publicitaire. Autrement dit, les médias traditionnels ne sont pas « faiseurs de prix » sur le marché de la publicité en ligne.

 

En mai 2015, Google annonce que plus de 50% des requêtes tapées sur le moteur de recherche sont faites depuis un mobile, et dans la foulée, la modification de son algorithme de manière à renforcer la visibilité des sites optimisés pour le mobile. L’audience est mobile. Avec la généralisation de l’usage des smartphones, la consommation d’information en provenance des médias en concurrence frontale entre eux sur le web mais aussi avec de multiples autres sources de contenus sur les réseaux sociaux et autres plateformes a lieu dans les transports, dans la rue, au restaurant… partout. 

 

En bref, alors que les recettes générées par les ventes et la publicité sur les supports traditionnels des entreprises de médias tendent à baisser ou à stagner, les investissements à réaliser pour être présent sur le web impliquent des efforts d’adaptation et des investissement considérables dont les perspectives de rentabilité restent incertaines. 

Dernière évolution en date, l'apparition de l'Intelligence Artificielle pour produire ou consulter des contenus d'information notamment qui vient bouleverser un marché de l'attention déjà très encombré par la massification des contenus d'opinion qui frôlent ou qui usent de manipulation et de propagande. Une nouvelle famille de métiers apparaît dans le monde journalisme, celle des fact-checkers. De plus en plus nécessaire, elle ne semble pas suffisante pour endiguer le volume de désinformation qui circule en ligne et atteindre les bonnes audiences. 

 

 

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